Nettoyeurs

Nettoyeurs 1

Nettoyeurs

La démarche souple et silencieuse, Odran patrouille sous la pleine lune. Des appels inquiets sur son cellulaire lui ont mentionné la présence d’intrus dans ce quartier. L’odeur de la Pestilence qui y flotte confirme ses infos. Arrivé à un croisement, il entend des pleurs, s’arrête, puis les suit sur plusieurs rues pour arriver à une grande impasse mal éclairée. Au fond, il distingue deux couettes rousses habillées de nœuds roses qui tressautent : une petite fille le visage dans les mains pleure à chaudes larmes. Un louveteau…sans meute ?

Odran s’approche doucement et s’accroupit en face d’elle.

— Mais que fais-tu ici toute seule ?

Elle a à peine le temps de relever le menton que rapide comme le vent, Odran lui saisit la tête, enfonce en même temps une Ecorchante dans son torse. La fillette lui attrape le bras en hurlant. Son visage jaune, décharné se tord de rage : une Puante. Heureusement qu’il a pu la flairé malgré l’odeur qui flotte.

D’un coup sec, il retire la pince mortelle. A tout hasard, il renifle le cœur qui bat ses derniers instants accroché à l’arme.

— On ne sait jamais, remarque-t-il tout haut.

Pas comestible. Berk, ce coeur est plein de Pestilence. Il le jette dégouté.

C’est alors que d’autres doigts crochus de Puant l’agrippent de derrière à la gorge.

— Ma fille, dit l’homme qui le tient, ma fille.

Un groupe l’entoure, menaçant. La vue d’Odran se brouille, il faut agir.

Il passe mentalement en revue sa panoplie du parfait Nettoyeur …Oui la lame aiguisée du rasoir sera parfaite! Il réussit à se libérer des doigts du Puant, lui rasant le bras de très près : la brachiale se vide d’un sang noir, une moitié de bras pendouille. Odran le repousse en se moquant :

— Tu pleures pour ta fille ou pour ton appât Puant ?

— Ne m’appelle pas comme ça, mon nom est Chef.

Mais Odran n’a pas le temps de répondre, ses ennemis l’assaillent. Il se défend vaillamment et avec habileté poussant l’Ecorchante dans un torse par-ci, la machette par-là. Les têtes volent, les cœurs sont arrachés des poitrines, les intestins débordent des ventres béants.

Sauf qu’avec toutes ces entrailles qui prennent l’air, l’odeur de la Pestilence envahit Odran: le revers de la médaille d’avoir le nez « fin ».  » Et ils sont de nombreux, en plus, les bougres ! » se dit-il en continuant à de battre.

Il est submergé par ses adversaires, quand Tala apparaît silencieuse, efficace. La louve noire sort le grand jeu : Grandes griffes, Grandes dents, Grands Hurlements. Les Puants meurent encore, déchiquetés.

Les ennemis vont perdre la bataille, les survivants essayent de fuir. Mais Odran ne peut pas le permettre sinon ils risquent de propager la Pestilence en contaminant d’autres personnes. Il souffle dans une sarbacane. Des fléchettes de poison se logent dans les cous des fuyards qui s’écroulent.

Tala flaire quelques cadavres pour la forme. Mais la Pestilence rend toute ingestion d’organes ou de chair impossible. Dommage. Elle tourne la tête vers son frère qui essuie ses armes. Il la regarde en disant :

— Un petit creux, frangine ?

Il s’avance vers elle et lui caresse le dos, dans le sens du poil.

— Merci, dit-il simplement.

Tala la noire se frotte contre lui. Meute.

Odran prend des notes, puis photographie les corps ainsi que l’environnement. Il enregistre son rapport dans son cellulaire, puis envoie le tout au payeur. Nasillard, celui-ci le rappelle aussi sec :

— Comment ça ils ont des appâts ? Comment pouviez-vous le savoir ? Enfin ce n’est pas possible…

Odran ne répond rien, laissant déblatérer son correspondant.

Une grande majorité considère en effet les personnes atteintes de Pestilence comme des demeurés. Par principe, le frère et la sœur, eux, ne sous-estiment jamais leurs proies, avec raison d’ailleurs car ils se sont aperçus que les Puants utilisent des stratégies de plus en plus élaborées pour se nourrir.

La Pestilence a muté : les infectés deviennent de plus en plus intelligents. Mais personne ne veut rien savoir surtout pas le payeur.

— Ils ont même des noms maintenant, remarque distraitement Odran en raccrochant. Si on allait casser la croûte, ma grande ?

Tala et Odran s’en vont chasser des proies plus comestibles dans la forêt.

La lune est finalement partie se coucher. Dans la fraîcheur du matin, Odran mâche tranquillement sa proie. Il se délecte de la viande fraîche qu’il a débusquée, traquée puis tuée. Il est heureux, son museau rouge farfouille dans la chaire d’un cervidé. Bien sûr, ce moment de grâce est de courte durée : Tala arrive dans sa direction. Il va falloir partager.

— Laisse m’en un bout, glouton !

Odran n’aime pas trop être appelé comme ça. Ces créatures sont assez vulgaires, le loup ne les aime pas. Tala se sert, elle plonge ses mains vers le foie.

—Tu l’as déjà bouffé ?

Odran la regarde. Odran premier. Tala le fixe en retour.

— C’est bon ton cinéma d’alpha, je te connais le loup.

Elle se rabat sur le cœur qu’elle arrache et dévore.

— Elle est bonne cette biche, décrète-t-elle.

Le soleil les réchauffe lorsqu’ils reviennent en ville. « Le printemps est là, j’aime le printemps » se dit Tala satisfaite. Son frère trotte à coté d’elle. Ils ont repris leur forme habituelle, Tala une humaine, Odran un loup.

Tala regarde le paysage désolé de cette partie de la ville. Ils passent devant des vitrines éventrées. La route cabossée a presque disparu sous la végétation. Des quartiers entiers sont abandonnés aux plantes ainsi qu’aux petits animaux qui y trouvent de quoi subsister.

Le Cataclysme avait tout dévasté. Une minorité y avait survécu mais les survivants avaient changé : des mutations étaient apparues chez certains ainsi que  chez les enfants nés après la catastrophe.

Tala et Odran n’y avaient pas échappé. Leur mère avait donné naissance à deux enfants, un bébé et un louveteau…Tala frissonne en pensant à cette « mère » qui les a torturés pendant si longtemps surtout Odran…

Il s’arrête et la fixe. Danger ?

— Tout va bien Odran, dit Tala devinant l’interrogation dans son regard.

Le téléphone cellulaire sonne :

— Bonjour, une nouvelle attaque des Puants a eu lieu, dit la voix nasillarde du payeur.

— Où ça ?

— Quartier ouest…

— Pas loin de l’attaque d’hier soir?

— Oui.

— Ok, nous y serons ce soir sans faute.

— Vous ne pouvez pas y aller maintenant ? reprend le nasillard.

— Non, ce soir. Nous devons dormir.

— A propos d’hier, votre frère m’a fait part d’hypothèses inquiétantes. Pourrais-je-lui parler ? Son rapport manque de détails…

Tala regarde son frère- loup.

— Non, il n’est pas disponible. Il faudra vous contenter du rapport.

— Tant pis. Mais nous aimerions que vous passiez nous voir cette fois après…

Tala est catégorique :

— Hors de question. Ce sont les accords, sinon nous ne faisons plus affaire. Nous sommes attendus ailleurs, vous savez.

Silence à l’autre bout de la ligne. Tala s’est un peu emballée. Elle se demande si elle ne va pas regretter ses paroles. Les derniers contacts pour d’autres missions remontent à quelques mois maintenant. Elle n’aurait pas dû dire cela, mince !

Mais le Payeur sait qu’Odran et elle sont les meilleurs Nettoyeurs du pays. Ils sont connus pour leur efficacité grâce aux deux loups « qui les accompagnent ». Si il connaissait la vérité, Tala ne donnerait pourtant pas cher de leurs peaux ou de leurs poils d’ailleurs…

L’interlocuteur reprend après un moment :

— Ne vous fâchez pas, c’est bon. Votre frère est plus souple.

— Ça m’étonnerait. Au revoir.

Elle raccroche, s’accroupit pour caresser Odran en disant :

— On aura tout vu : un loup plus souple qu’une femme !

Le loup étire ses babines comme si il voulait sourire.

— Je crois qu’il va falloir que je relise tes notes sur notre dernière mission.

Les Nettoyeurs comme Tala et Odran ne sont pas nombreux. En général, ces drôles de mercenaires ne réfléchissent pas, et se contentent seulement de débarrasser des Puants, ceux qui les payent.

Pourtant en fouillant dans les notes de son frère, Tala s’aperçoit qu’il a commencé un vrai travail d’étude sur la Pestilence. Il n’a pourtant qu’une seule nuit par mois…La plupart du temps, Odran est un loup, comme la plupart du temps, Tala est une femme.

Les nuits de pleine lune tout s’inverse : Odran devient un homme, Tala, une louve. Ils ne se croisent jamais sous la même peau. A cause de cela les échanges entre le frère et la sœur sont compliqués. Il leur a donc fallu trouver des solutions comme des notes, ou des vidéos qu’ils se laissent.

Mais jamais Odran n’avait mentionné toutes ces recherches à sa sœur…

Dans leur tanière perchée sur un immeuble solitaire, Tala continue sa lecture. Elle réfléchit tout haut :

— Comment fait-il avec si peu de temps ? Ses jours en tant qu’homme sont si peu nombreux.

Il semblerait pourtant qu’Odran les occupe par le Nettoyage de Puants ou en se documentant sur la Pestilence elle même. Il a même compilé toutes leurs notes sur les missions, fait des recherches sur des virus, et même sur certains insectes.

Maintenant, Tala se rappelle de son insistance à leurs débuts à lui rappeler de tout rentrer soigneusement sur leur terminal : photos, notes, cartes. Il mettait des rappels sur son cellulaire ou laissait des petits mots partout dans l’appartement.

— Mais que cherches-tu Odran ? dit-elle en regardant le loup couché sur un vieux canapé jaune en face d’elle.

Le loup la regarde en retour en entendant son nom. Mais il reste un loup. Sous leur forme animale, Odran et Tala ne peuvent pas atteindre leurs consciences humaines, alors réfléchir…

Elle soupire. Depuis qu’ils sont tout petits, le seul lien qu’ils ont établi est celui de la meute, une meute de deux mais une meute quand même. C’est ainsi qu’ils chassent les Puants.

Toujours assise sur la table de la « cuisine-salon-chambre », Tala baille, elle est fatiguée d’avoir consulté toutes ces informations.

— En plus la nuit dernière a été courte et la prochaine le sera aussi, grommèle-t-elle.

Avec envie, elle regarde Odran qui s’est finalement endormi sur le canapé. Elle décide, elle aussi, de dormir les quelques heures qui restent avant l’apparition de la lune.

— Il n’y a pas de raison  que je sois la seule à veiller, dit-elle en se jetant sur un lit.

Dans son sommeil, le loup approuve d’un grognement.

Dans les quartiers ouest de la ville, de belles maisons en ruines côtoient des immeubles flamboyants éventrés. La population qui vit là fait partie de « l’élite ». Comme les dernières attaques se sont concentrées par ici, les responsables sont à cran. Leurs familles habitent dans ce quartier.

Tala repense à la carte dessinée par Odran. Elle indique les attaques de Puants disséminées dans tout le secteur. Cependant, une rue, dans ce quartier semble être épargnée. Tala trouve cela étrange, elle se décide à y patrouiller.

Comme toutes les autres, la petite rue bordée de maisons blanches identiques de chaque côté, est déserte à cette heure de la nuit. Des grilles en fer forgé noir montent la garde en compagnie de haies odorantes.

Tala s’immobilise soudain, comme Odran qui hume l’air, elle a senti une très forte odeur de Pestilence. Masquée par l’odeur des haies, personne ne pouvait s’en apercevoir sauf les deux loups-Nettoyeurs. « Ils deviennent vraiment intelligents. Odran a raison. Ils se sont organisés. » pense Tala, « c’est effrayant ».

Odran, lui, n’aime vraiment pas cet endroit, quelque chose l’inquiète : Odran et Tala proies. Tout à coup, comme pour lui donner raison, les maisons blanches vomissent une multitude d’infectés. Ils sortent de partout. Puants meute. Ils encerclent Odran et Tala qui ne peuvent plus fuir.

Odran couche ses oreilles, montre les crocs en grondant bien décider à survivre. Odran pas proie, Puant proie. Il bondit sur le premier Puant à sa portée pour lui déchirer les entrailles avec ses crocs, puis en attrape un autre à la gorge. A ce moment là, d’autres l’attrapent avec un filet. Le loup gronde, mord ceux qu’il peut atteindre mais s’empêtre dans les mailles. Un Puant sort une batte en aluminium qu’il abat sur le loup. Odran s’écroule sur le sol inanimé.

Pendant ce temps, Tala se bat avec l’énergie du désespoir, elle se révolte à l’idée de devenir une Puante : « plutôt mourir ! ». Une machette à la main, elle attaque le premier qui arrive sur elle. La tête de son adversaire vole, elle envoie un coup de pied dans le torse du cadavre décapité qui en déséquilibre d’autres autour. Ce coup lui laisse un léger répit.

Mais ses assaillants sont déterminés, organisés. Habituée aux attaques totalement désordonnées des Puants, Tala s’étonne : « Comment font-ils pour être aussi coordonnés ? Ce n’est pas possible ! ».

Devant elle une femme la menace avec un couteau. Elle ne lui laisse pas le temps de frapper, lui envoie l’Ecorchante dans le torse et arrache son cœur. En même temps, un Puant en profite pour l’attaquer sur le côté. Un coup de pied circulaire qui atterrit dans l’abdomen du Puant le fait reculer. Mais à ce moment là, Tala est saisie par derrière, puis assommée.

Odran se réveille couché devant une humaine. Puante Alpha. Il voudrait la mordre mais sa mâchoire est enfermée. Il essaye de bouger mais ne peut pas. Il gronde. Puante proie, pas Odran. A ses cotés, Tala à genoux au sol est maintenue par deux Puants. Elle fait face à l’humaine.

— Bienvenue dans mon petit salon, je suis Reine, dit l’humaine puante. Vous avez tué beaucoup de mes enfants.

Tala l’observe en silence. Ses longs cheveux gris descendent à ses pieds comme dégoulinants. La tunique délavée qui rappelle un linceul, accentue l’impression de cadavre que Reine dégage. Les joues se décharnent, les doigts se tordent.

Reine… Tout s’éclaire pour Tala, elle fait le lien avec les recherches d’Odran sur les insectes vivant en colonie, mais les virus ? Bien sûr ! Un virus n’a qu’une raison d’être : celle de se propager.

Reine demande :

— Pourquoi en voulez-vous à ma progéniture ?

Tala rit jaune. Pour en avoir le cœur net, elle demande :

— Pourquoi en voulez vous aux nôtres, Reine?

— Mais pour survivre.

— Tu as ta réponse, Reine. Nous aussi, nous voulons survivre.

— Alors Tala et Odran deviendront mes enfants. Ils survivront et ne voudront plus tuer leurs frères et sœurs Puants.

Le cri d’horreur de Tala alerte Odran. Tala meute, Tala danger. Le loup se débat dans ses chaînes. Rien à faire, impuissant il gronde en voyant Reine qui s’approche de Tala.

Reine la mord au cou, elle boit le sang de Tala avec plaisir. Odran sent l’odeur de la Pestilence envahir sa sœur. Tala Puante ? se demande le loup. Tala, elle, se tord de douleur dans tous les sens, puis s’arrête. Odran est inquiet : Tala morte ? Mais la Reine se tourne vers le loup.

— À ton tour Odran le loup.

Odran loup, pas proie. Il gronde de plus belle. Indifférente La Reine le mord en se délectant maintenant de son sang à lui. Odran souffre, ses entrailles se tordent. Odran proie, pense-t-il avant de perdre conscience.

Odran réveillé cherche Tala. Sa vision a changé. C’est peut-être le virus qui agit. Il essaye de se lever mais se rappelle qu’il est enchainé. Quoi ? Comment puis-je me rappeler de quelque chose ? Qu’est ce qui se passe ? Où sommes nous ?

Dans un coin, il aperçoit une femme : il flaire sur elle l’odeur de sa soeur. Il ne comprend rien. Si sa sœur a sa forme humaine, il est loup. Dans ce cas, comment peut-il penser comme un homme?

Tala pleure.

— Tala, Tala, essaye-t-il d’appeler.

Mais sa mâchoire reste bloquée. Elle est coincée par quelque chose : une muselière ? Mais alors ?

Tala s’approche. Mais que fait-elle ? Odran en est sûr maintenant en sentant la main de sa sœur sur son pelage. Je suis toujours un loup, pourtant je pense comme un homme.

Tala se réveille désorientée dans une cave et enfermée dans une cage. Ses souvenirs sont confus. Puis elle se rappelle de la morsure de Reine. Désespérée, elle se demande si elle devenue une Puante maintenant. Elle pleure de rage. Tala refuse de devenir une de ces horribles choses sans âme. Elle fouille dans ses poches pour trouver une arme, autant se donner la mort. Malheureusement, elle ne trouve rien.

« Odran…Il va m’aider ! Mais où est-il au fait? » réfléchit-elle.

Elle l’aperçoit, enchaîné et une muselière sur la gueule. Elle s’approche prudemment : il a aussi été mordu ! Il remue la tête.

Tala a l‘impression qu’il essaye de parler.

— Odran ? Comment vas-tu ?

Le loup a l’air perdu. En larmes, Tala le caresse, puis enlève la muselière en lui disant :

— Odran aide-moi, tu dois me tuer. Je ne veux pas devenir une de ces créatures.

— Tala, non tu n’es pas contaminée, moi non plus. Ne désespère pas.

Tala surprise enlève sa main. Elle ne vient pas de penser ça !

— Je deviens folle ! C’est la Pestilence, réfléchit-elle.

 — Tala, non c’est moi. Odran.

— Odran ? répond-elle tout haut

Oui, tu me comprends ? Tu m’entends ?

Tala est abasourdie, elle entend la conscience de son frère dans sa tête. Elle n’en revient pas. Comment est-ce possible? Par quel miracle? Malgré la situation désespérée, elle est heureuse qu’ils puissent enfin communiquer. Elle essaye donc de répondre de la même façon :

— J’ai trouvé toutes tes recherches. Tu avais raison pour la colonie, la rue et le virus. Mais le pire c’est que leur Reine nous a mordu.

— Nous ne sommes pas contaminés, Tala.

— Comment peux-tu en être sûr ?

— Tala, utilise ton odorat de loup.

Suivant les conseils de son frère, Tala se concentre alors sur les odeurs : le moisi de la cave, la Pestilence dans l’air et oui…elle les « flaire » maintenant : l’odeur de son frère et la sienne, inchangées.

— C’est merveilleux, pense-t-elle soulagée.

-Nous sommes des garous, frangine. Nous guérissons même de la Pestilence apparemment. Par contre, nous avons dû garder leur lien de ruche.

— Mais tu les entends toi ?

— Qui ?

— Les Puants ? On devrait les entendre ou du moins entendre la Reine.

— Non, je ne les entends pas. Bizarre…

Tala réfléchit à toute vitesse :

— Nous sommes une meute donc…

— Le lien de la ruche s’est superposé à celui de la meute…

— …mais l’a seulement modifié.

— Une mutation, que le Cataclysme soit béni, ironise le loup.

— Odran, il faut tuer la Reine.

— Ou fuir. Nous ne sommes pas payés pour cette mission.

— On pourrait essayer quand même ? Je ne veux pas vivre sur une planète peuplés de Puants et nous deux. Il faut protéger les autres non-infectés.

— Je comprends mais je pense que nous allons avoir des surprises…

Le Puant qui garde leur cage, s’est approché un peu trop près des barreaux.

Tala a réussit à l’attraper à la gorge, elle l’étrangle. Le corps tombe tout près d’elle.

— C’est rassurant de voir que certains sont toujours aussi idiots, constate-t-elle.

Tala s’accroupit pour récupérer les clefs des chaines d’Odran et celle de la cage dans les poches du gardien.

— Vite ! Ils vont arriver

— Fais-le toi même, si ça ne va pas assez vite, répond-elle à son frère.

Tala s’active à le libérer puis ouvre la cage. Par chance, ses armes sont posées sur une table à coté, elle s’en saisit. La plupart des Puants sont allés « manger en ville ». Moins nombreux et pris par surprise, ceux restés dans le repaire de la Reine n’arrivent pas à contenir la fureur de Tala et d’Odran qui arrachent des cœurs, croquent des cous, coupent des bras ou décapitent de bon cœur et pas forcément dans cet ordre là. Le frère et la sœur foncent vers le salon de Reine.

Ils sont dans le salon. Odran se terre dans les ombres de la pièce. Tala se tient debout à distance respectable de Reine en la menaçant de sa machette. Sa sœur veut un combat juste. Mais les humains sont sans honneur, surtout les Puants. Odran s’inquiète surtout des implications qu’ils croient avoir devinées.

Reine balance un couteau que Tala évite. La lame se plante sur une poutre. La jeune femme riposte en fonçant sur le chef des Puants, la machette virevolte dans sa main. Elle s’abat sur un bras de Reine qui hurle de douleur.

Mais celle-ci est coriace, et sort une dague de sa tunique. Tala recule en esquivant le coup, puis rapidement saisit le poignet de la Puante et le tord. La dague tombe au sol. Mais sa machette est restée plantée dans un bras de Reine, qui dégageant sa main, l’arrache en grimaçant. Le bras levé, la machette à la main, elle attaque Tala qui l’évite de justesse en se baissant – ce qui lui permet de ramasser la dague. Elle la plante dans le ventre de la Reine, la remonte vers le sternum.

Elle veut l’achever avec l’Ecorchante, mais à ce moment là, elle entend une voix nasillarde bien connue:

— C’est gentil d’être passé, Tala. Vous êtes bien Tala ?

Le payeur !? Tala tient toujours la dague dans le sternum de Reine.

— Odran…,pense-t’elle en regardant par-dessus l’épaule de sa victime.

— Oui je sais. C’était une de mes pistes.

— Tu le savais ?

— Je n’en étais pas sûr !

— Tu aurais pu m’en parler, réplique-t-elle en colère.

— C’est toi qui a voulu sauver le monde ! Moi je voulais partir.

— C’est vrai, tu as raison.

Tala est désolée. Odran la réconforte :

— Au moins, maintenant on peut se disputer en direct, c’est plus facile que par post-it.

Elle sourit.

Le payeur a émergé d’un coin de la salle, mettant en joue Tala avec un pistolet.

Elle lâche son arme pour se tourner vers lui :

— Mais pourquoi ?

Pourquoi ? Voyez-vous ma chère, Reine est ma femme.

Reine pliée en deux et les viscères à l’air, sourit d’un air extatique à son mari.

— C’est elle le patient zéro. Je l’ai cachée, soignée, j’ai couvert ces « escapades ». J’étais désespéré puis j’ai remarqué qu’elle pouvait contrôler les personnes qu’elle contaminait. Alors pour sa tranquillité, j’ai décidé d’en profiter pour prendre le contrôle de la ville afin qu’elle ne soit plus chassée ni elle, ni NOS enfants.

— Vous êtes immondes ! Ce sont des monstres qui se nourrissent de sang humain.

— Exactement, donc il fallait que je garde « des réserves » pour ma Reine et notre progéniture.

Tala l’humaine est dégouté. Odran le loup, lui trouve ça normal.

— S’il n’y a plus de proies pour la meute, la meute meurt.

— Odran ! le tance-Tala, tu exagères !

Elle réplique au payeur nasillard :

— Vous nous avez engagés pour les tuer.

— Tala, je suis le responsable de la sécurité de la ville. Il me fallait un alibi. En plus, certains des « enfants » n’obéissent pas toujours à la reine de la ruche. Mais surtout notre famille devenant trop grande, nous avions besoin de vous pour contrôler leur population.

Il regarde sa Reine avec douceur en ajoutant :

— Nous ne nous sommes jamais résolus à les tuer nous même. Nous avions besoin de Nettoyeurs.

Tala n’en peut plus. Tout ça est complètement fou.

— J’ai envie de vomir.

— Ressaisis-toi ! J’arrive.

Odran s’avance invisible et silencieux en direction du payeur.

— Vraiment ma chère c’est une chance pour nous de vous avoir ici. Je voulais en finir avec vous de toute façon, vous en saviez trop. Malheureusement vous ne répondiez jamais favorablement à mes invitations, ni votre frère d’ailleurs. Au fait où est-il ? Je n’ai vu que votre loup.

— Pas loin Payeur, pas loin.

C’est le moment que choisit Odran pour attaquer le nasillard. Sortant des ombres, il lui saute à la gorge, qu’il déchiquète presque avec méthode. Reine veut aider son mari, mais elle se prend les pieds dans ses intestins qui pendent de sa blessure et tombe.

Tala ayant récupéré sa machette s’avance et lui coupe la tête. Odran est toujours à sa besogne.

Odran, lâche l’affaire ! Il est mort.

Il regarde sa sœur puis va fouiner avec son museau dans le pantalon du payeur.

— Odran, vraiment !

— Il ne nous a pas payés.

— Tu as raison. Attends je vais le faire.

Tala se penche vers le cadavre.

— Berk, il pue ! dit-elle en lui prenant son portefeuille dans la poche.

— Sa femme qu’il aimait tant était une Puante, Tala. T’imagine quoi ?

— Dégueulasse… Odran tais-toi ! Merci pour les images !

Elle l’entend rire, et rit à son tour.

— Odran, partons d’ici, de cette ville, allons à la mer.

— Non en forêt, il y a plus de proies.

— Tu m’agaces avec tes proies ! À la mer !

— Il fait trop froid encore pour la mer, Tala.

— Loup poltron !

— Pile ou face peut-être? propose l’animal frileux.

— Ok, Odran c’est toi qui lance la pièce alors.

— Très drôle frangine, très drôle…

 ©Priss