Adieu ma blouse

broche rkh

Priss quitte sa blouse d’infirmière.

C’est décidé, je range ma blouse dans son placard. Usée, élimée, elle a gagné le droit de se reposer. Je la plie avec tous les égards qu’elle mérite, je l’installe sur une étagère afin qu’elle s’endorme. Peut-être avez-vous décidé de faire la même chose avec votre stylo, votre bleu de travail ou vos chaussures de sécurité. Alors vous savez comme c’est compliqué.

Elle m’a accompagnée, m’a portée, m’a apportée. Je me suis battue pour avoir le droit de la vêtir. Puis je me suis battue pour l’enfiler chaque jour sans partir en courant ou l’abandonner à son sort dans le casier.

Grâce à elle, j’ai vécu le pire et le meilleur, la mort, la vie, la joie, le désespoir. J’emporte tout et je le garde au chaud. Elle se trouvera avec moi partout où que j’aille, peut-être même que je la remettrai par choix ou par obligation. Elle me soutiendra dans d’autres aventures. Tout ce que j’ai appris avec elle, je m’en servirai avec gratitude.

Il est temps pour elle de se reposer, et moi de m’orienter vers autre chose. Pourquoi ? C’est beau d’avoir une blouse, me dit-on souvent. Oui, mais plein de responsabilités, de douleur qu’il est difficile d’oublier, émaillé de conditions de travail qui trahissent notre serment (car dans ma fac on prêtait serment). Si les personnes se tournent vers les blouses, c’est parce qu’elles en ont besoin, qu’elles souffrent. C’est le travail des blouses. Sauf que la mienne et moi nous ne pouvons plus recevoir, consoler, soigner, compatir. Nous sommes aigries, épuisées des sous-effectifs, des équipes toxiques, de l’agressivité, des réorganisations successives. Et moi j’aspire à plus de liberté, de légèreté surtout. Alors, il est temps.

Repose-toi bien ma blouse. Tu le mérites. Soyons fières de nous.

©Priss

Ps : Si vous voulez savoir pourquoi cliquez .

Pps: l’illustration de l’article est la broche de la faculté de la croix rouge de Suède qui la remet à chaque infirmière qu’elle forme. Celle-ci est la mienne. J’en suis très fière.

Ppps: Je suis très émue, mais heureuse.